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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/243

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Lui, ne l’observait pas. Il était agité d’un de ces mouvements de curiosité puérile, sans but précis, qu’on ne s’explique pas et qui n’en sont pas moins pressants. Cette preuve dont parlait Jenny l’intriguait.

— Cependant, dit-il, si vous vouliez me montrer cette fameuse lettre…

Elle ressentit à ces mots comme une commotion électrique.

— À vous, fit-elle frissonnante, à vous, monsieur ! Jamais.

On dort. Le tonnerre gronde, l’orage éclate sans que le sommeil soit troublé ; puis, tout à coup, à un certain moment, l’imperceptible vibration de l’aile de l’insecte qui passe, éveille.

Le frisson de Fancy fut pour Sauvresy cette vibration à peine saisissable. L’éclair sinistre du doute illumina son âme. C’en était fait de sa sécurité, de son bonheur, de son repos, de sa vie.

Il se redressa, l’œil étincelant, les lèvres tremblantes.

— Donnez-moi cette lettre, dit-il d’un ton impérieux.

Jenny eut une telle frayeur qu’elle recula de trois pas. Elle dissimulait tant bien que mal ses impressions, même elle essayait de sourire, de tourner la chose en plaisanterie.

— Pas aujourd’hui, répondait-elle, une autre fois, vous êtes trop curieux.

Mais la colère de Sauvresy grandissait, terrible, effrayante, il était devenu pourpre comme s’il eût été sur le point d’être frappé d’un coup de sang, et il répétait d’une voix à peine distincte.

— Cette lettre, je veux cette lettre.

— Impossible, bégayait Fancy, impossible.

Et se raccrochant à une inspiration suprême, elle ajouta :

— D’ailleurs, je ne l’ai pas ici ?

— Où est-elle ?