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promenades du comte de Trémorel. Il sortait à cheval et cela la rassurait, comme certains maris qui se croient à l’abri de tout malheur parce que leur femme ne se promène qu’en voiture.

Mais après quelques jours, l’examinant mieux, elle crut découvrir en lui une certaine satisfaction intime qu’il s’efforçait de voiler sous une contenance fatiguée. Il avait beau faire, il se dégageait de toute sa personne comme un rayonnement de bonheur.

Elle eut des doutes, et ils grandirent à chaque sortie nouvelle. Les plus tristes conjectures l’agitaient tant qu’Hector était absent. Où allait-il ? Probablement rendre visite à cette Laurence qu’elle redoutait et qu’elle détestait.

Ses pressentiments de maîtresse jalouse ne la trompaient pas, elle le vit bien.

Un soir, Hector reparut, portant à sa boutonnière une branche de bruyère que Laurence elle-même y avait passée et qu’il avait oublié de retirer.

Berthe prit doucement cette fleur, l’examina, la flaira, et se contraignant à sourire alors qu’elle endurait les plus cruels déchirements de la jalousie :

— Voici, dit-elle, une charmante variété de bruyère.

— C’est ce qu’il m’a semblé, répondit Hector d’un ton dégagé, bien que je ne m’y connaisse pas.

— Y a-t-il de l’indiscrétion à vous demander qui vous l’a donnée ?

— Aucune. C’est un cadeau de notre cher juge de paix, le père Plantat.

Tout Orcival savait parfaitement que, de sa vie, le juge de paix, ce vieil horticulteur maniaque, n’avait donné une fleur à qui que ce fût, sauf à Mlle  Courtois. La défaite était malheureuse, et Berthe ne pouvait en être dupe.

— Vous m’aviez promis, Hector, commença-t-elle, de cesser de voir Mlle  Courtois, de renoncer à ce mariage.

Il essaya de répondre.

— Laissez-moi parler, fit-elle, vous vous expliquerez après. Vous avez manqué à votre parole, vous vous êtes