Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/262

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joué de ma confiance, je suis folle de m’en étonner. Seulement, aujourd’hui, après mûres réflexions, je viens vous dire que vous n’épouserez pas Mlle  Courtois.

Aussitôt, sans attendre sa réplique, elle entama l’éternelle litanie des femmes séduites ou qui prétendent l’avoir été. Pourquoi était-il venu ? Elle était heureuse dans son ménage, avant de le connaître. Elle n’aimait pas Sauvresy, il est vrai, mais elle l’estimait, il était bon pour elle. Ignorant les félicités divines de la passion vraie, elle ne les désirait pas. Mais il s’était montré et elle n’avait pas su résister à la fascination. Pourquoi avait-il abusé de ce qu’irrésistiblement elle se sentait entraînée vers lui. Et voilà que maintenant, après l’avoir perdue, il prétendait se retirer, en épouser une autre, lui laissant pour tout souvenir de son passage, la honte et le remords d’une faute abominable.

Trémorel l’écoutait abasourdi de son audace. C’était à n’y pas croire ! quoi ! elle osait prétendre que c’était lui qui avait abusé de son inexpérience, quand, au contraire, la connaissant mieux, il avait été parfois épouvanté de sa perversité. Telle était la profondeur de la corruption qu’il découvrait en elle, qu’il se demandait s’il était son premier amant ou le vingtième.

Mais elle l’avait si bien poussé à bout, elle lui avait si rudement fait sentir son implacable volonté, qu’il était décidé à tout plutôt que de subir davantage ce despotisme. Il s’était promis qu’à la première occasion il résisterait. Il résista.

_ Eh bien, oui, déclara-t-il nettement, je vous trompais, je n’ai pas d’avenir, ce mariage m’en assure un, je me marie.

Et il reprit tous ses raisonnements passés jurant que moins que jamais il aimait Laurence, mais que de plus en plus il convoitait l’argent.

— La preuve, continuait-il, c’est que si demain vous me trouviez une femme ayant douze cent mille francs au lieu d’un million, je l’épouserais préférablement à Mlle  Courtois.

Jamais elle ne lui aurait cru tant de courage. Il y avait