Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/266

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une jouissance cruelle dans la contrainte qu’il s’imposait. Il avait su se composer une contenance qui ne laissait rien deviner des pensées qui le hantaient. C’est sans frissonnements apparents qu’il subissait les flétrissantes caresses de cette femme jadis tant aimée ; jamais il n’avait tendu à son ami Hector une main plus largement ouverte.

Le soir, lorsqu’ils se trouvaient tous trois réunis sous la lampe, il prenait sur lui d’être gai. Il bâtissait mille riants châteaux en Espagne, pour plus tard, quand on lui permettrait de sortir, quand il irait tout à fait bien. Le comte de Trémorel se réjouissait.

— Voici Clément sur pied pour tout de bon cette fois, dit-il un soir à Berthe.

Elle ne comprenait que trop le sens de cette phrase.

— Vous songez donc toujours à Mlle  Courtois ? demanda-t-elle.

— Ne m’avez-vous pas permis d’espérer ?

— Je vous ai prié d’attendre Hector, et vous avez bien fait de ne pas vous hâter. Je sais une femme qui vous apporterait non pas un, mais trois millions de dot.

Il fut péniblement surpris. En vérité, il ne songeait qu’à Laurence, et voici qu’un nouvel obstacle se dessinait !

— Et quelle est cette femme ?

Elle se pencha à son oreille, et d’une voix frémissante :

— Je suis la seule héritière de Clément, dit-elle, il peut mourir, je puis être veuve demain.

Hector fut comme pétrifié.

— Mais Sauvresy, répondit-il, se porte, Dieu merci ! à merveille.

Berthe fixa sur lui ses grands yeux clairs, et, avec un calme effrayant, dit :

— Qu’en savez-vous ?

Trémorel ne voulut pas, n’osa pas demander la signification de ces paroles étranges. Il était de ces hommes faibles qui fuient les explications, qui, plutôt que de se