Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/267

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mettre en garde lorsqu’il en est temps encore, se laissent niaisement acculer par les circonstances. Êtres mous et veules qui, avec une lâche préméditation, se bandent les yeux pour ne pas voir le danger qui les menace, et qui, à une situation nette et définie qu’ils n’ont pas le courage d’envisager, préfèrent les langueurs du doute et les transactions de l’incertitude,

D’ailleurs, bien que redoutant Berthe et la détestant un peu, il éprouvait, à mesurer ses angoisses, une puérile satisfaction. À voir l’acharnement et la persistance qu’elle déployait pour le défendre, pour le conserver, il concevait de sa valeur et de son mérite une estime plus grande.

— Pauvre femme, pensait-il, voici que dans sa douleur de me perdre, de me voir à une autre, elle est venue à souhaiter la mort de son mari.

Et telle était son absence de sens moral, qu’il ne comprenait pas tout ce qu’il y avait de vil, de répugnant, d’odieux, dans les idées qu’il supposait à Mme Sauvresy et dans ses propres réflexions.

Cependant, les alternatives de mieux et de plus mal de Sauvresy donnaient tort à l’assurance du comte de Trémorel.

Ce jour-là même, et lorsqu’on croyait bien qu’enfin la convalescence de Sauvresy allait désormais marcher rapidement, il fut obligé de se remettre au lit.

Cette rechute se déclara après un verre de quinquina qu’il avait l’habitude, depuis une semaine, de prendre avant son repas du soir.

Seulement, cette fois, les symptômes changèrent de tout au tout, comme si, à la maladie qui avait failli l’emporter, succédait une autre maladie complètement différente.

Il se plaignait de picotements à la peau, de vertiges, de commotions convulsives qui contractaient et tordaient tous ses membres, particulièrement ses bras. D’intolérables névralgies faciales lui arrachaient des cris par moments. Un affreux goût de poivre, persistant, tenace, que