Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi, tout ce qu’il y avait pour moi d’amour au fond du cœur de mon mari, vous saviez qu’entre mourir et me perdre de cette façon, s’il lui eût fallu choisir, il n’eût pas hésité.

— Mais il ne sait rien, balbutiait Hector, il ne se doute de rien.

— Vous vous trompez, Sauvresy sait tout.

— C’est impossible.

— Tout, vous dis-je, et cela depuis le jour où il est revenu si tard de la chasse. Vous souvient-il qu’observant son regard, je vous ai dit : « Hector, mon mari, se doute de quelque chose ! » Vous avez haussé les épaules. Vous rappelez-vous les pas dans le vestibule, le soir où j’étais allée vous rejoindre dans votre chambre ? Il nous avait épiés. Enfin, voulez-vous une preuve plus forte, plus décisive ? Examinez cette lettre que j’ai retrouvée froissée, mouillée, dans la poche d’un de ses vêtements.

En parlant ainsi, elle mettait sous ses yeux la lettre arrachée à miss Jenny Fancy, et il la reconnaissait bien.

— C’est une fatalité, répétait-il, visiblement accablé, vaincu ; mais nous pouvons rompre. Berthe, je puis m’éloigner.

— Il est trop tard. Croyez-moi, Hector, c’est notre vie aujourd’hui que nous défendons. Ah ! vous ne connaissez pas Clément. Vous ne vous doutez pas de ce que peut être la fureur d’un homme comme lui lorsqu’il s’aperçoit qu’on s’est odieusement joué de sa confiance, qu’on l’a trahi indignement. S’il ne m’a rien dit, s’il ne nous a rien laissé voir de son implacable ressentiment, c’est qu’il médite quelque affreux projet de vengeance.

Tout ce que disait Berthe n’était que trop probable, et Hector le comprenait bien.

— Que faire ? demanda-t-il, sans idée, presque sans voix, que faire ?

— Savoir quelles dispositions il peut avoir prises ?

— Mais comment ?