Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/271

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— Avant d’agir, fit-elle froidement, réfléchissez. Vous êtes mon amant, j’en fournirai la preuve ; à qui ferez-vous entendre qu’étant mon amant vous n’êtes pas mon complice ?

Il sentit toute la portée de cette terrifiante menace dans la bouche de Berthe.

— Allez, poursuivit-elle d’un ton ironique, parlez, demandez à faire des révélations. — Quoi qu’il arrive, dans le bonheur ou dans l’infamie, nous ne serons plus séparés, nos destinées seront pareilles.

Hector s’était laissé tomber pesamment sur un fauteuil, plus assommé que s’il eût reçu un coup de massue. Il prenait entre ses mains crispées son front qui lui semblait près d’éclater. Il se voyait, il se sentait enfermé dans un cercle infernal sans issue.

— Mais je suis perdu, balbutia-t-il sans savoir ce qu’il disait, je suis perdu !…

Il était à faire pitié ; sa figure était affreusement décomposée, de grosses gouttes de sueur perlaient à la racine de chacun de ses cheveux, ses yeux avaient l’égarement de la folie.

Berthe lui secoua rudement le bras, sa misérable lâcheté l’indignait.

— Vous avez peur, lui disait-elle, vous tremblez ! Perdu ! Vous ne prononceriez pas ce mot, si vous m’aimiez autant que je vous aime. Serez-vous perdu parce que je serai votre femme, parce qu’enfin nous nous aimerons librement, à la face de toute la terre. Perdu ! Mais vous n’avez donc pas idée de ce que j’ai enduré ? Vous ne savez donc pas que je suis lasse de souffrir, lasse de craindre, lasse de feindre !

— Un si grand crime !

Elle eut un éclat de rire qui le fit frissonner.

— Il fallait, reprit-elle avec un regard écrasant de mépris, faire vos réflexions le jour où vous m’avez prise à Sauvresy, le jour où vous avez volé la femme de cet ami qui vous avait sauvé la vie. Pensez-vous que ce crime soit moins grand, moins affreux ? Vous saviez, comme