La potion prête, elle sortit de sa poche la fiole de cristal bleu et y trempa, comme tous les soirs, une de ses épingles à cheveux.
Elle n’eut pas le temps de la retirer, on la touchait légèrement à l’épaule.
Un frisson la secoua jusqu’aux talons ; brusquement elle se retourna et poussa un cri terrible, un cri d’épouvante et d’horreur.
— Oh !…
Cette main qui l’avait touchée, c’était celle de son mari.
Oui, pendant qu’elle était là devant la cheminée, dosant le poison, Sauvresy bien doucement s’était soulevé ; plus doucement, il avait écarté le rideau, et c’était son bras décharné qui s’allongeait vers elle, c’étaient ses yeux effrayants de haine et de colère qui flamboyaient devant les siens.
Au cri de Berthe, un autre cri sourd, un râle plutôt, avait répondu.
Trémorel avait tout vu, tout compris, il était anéanti.
« Tout est découvert ! » Ces trois mots éclataient dans leur intelligence comme des obus. Partout autour d’eux, ils éblouissaient, écrits en lettres de feu.
Il y eut un moment d’indicible stupeur, une minute de silence si profond qu’on entendit battre les tempes d’Hector.
Sauvresy était rentré sous ses couvertures. Il riait d’un rire éclatant et lugubre, comme le serait le ricanement d’un squelette dont les mâchoires et les dents s’entrechoqueraient.
Mais Berthe n’était pas de ces créatures qu’un seul coup, si terrible qu’il soit, peut abattre. Elle tremblait plus que la feuille, ses jambes fléchissaient, mais déjà sa pensée s’égarait en subterfuges possibles. Qu’avait vu Sauvresy, avait-il même vu quelque chose ? Que savait-il ? Et quand il aurait vu le flacon de verre bleu, ces choses-là s’expliquent. Ce pouvait être, ce devait être par un simple effet du hasard que son mari l’avait touchée à l’épaule juste au moment du crime.