Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/285

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Toutes ces pensées ensemble traversèrent son esprit en une seconde, rapides comme l’éclair rayant les ténèbres.

Et alors, elle osa, elle eut la force d’oser s’approcher du lit, et de dire avec un sourire affreusement contraint, mais enfin avec un sourire :

— Quelle peur tu viens de me faire !

Il la regarda pendant une seconde qui lui parut durer un siècle, et simplement répondit.

— Je le comprends !

Plus d’incertitude possible. Aux yeux de son mari, Berthe ne vit que trop clairement qu’il savait. Mais quoi ? mais jusqu’où ? Elle parvint à prendre sur elle de continuer :

— Souffrirais-tu davantage ?

— Non.

— Alors, pourquoi t’es-tu levé !

— Pourquoi ?…

Il réussit à se hausser sur ses oreillers et avec une force dont on ne l’eût pas cru capable, une minute auparavant, il poursuivit :

— Je me suis levé pour vous dire que c’est assez de tortures comme cela, que j’en suis arrivé aux limites de l’énergie humaine, que je ne saurais endurer un jour de plus ce supplice inouï de me voir, de me sentir mesurer la mort lentement, goutte à goutte, par les mains de ma femme et de mon meilleur ami.

Il s’arrêta. Hector et Berthe étaient foudroyés.

— Je voulais vous dire encore : Assez de ménagements cruels, assez de raffinements, je souffre. Ah ! ne voyez-vous pas que je souffre horriblement. Hâtez-vous, abrégez mon agonie. Tuez-moi, mais tuez-moi d’un coup, empoisonneurs !

Sur ce dernier mot : empoisonneurs, le comte de Trémorel se dressa comme s’il eût été mû par un ressort, tout d’une pièce, les yeux hagards, les bras étendus en avant.

Sauvresy, lui, à ce mouvement, glissa rapidement sa