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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/297

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terpréta mal. Il crut qu’elle pensait à cette copie à laquelle il avait ajouté quelques lignes.

— Tu songes à la copie du testament que tu as entre les mains, lui dit-il, c’est une copie inutile, et si j’y ai ajouté quelques mots sans valeur, c’est que je redoutais vos convoitises et qu’il me fallait endormir vos défiances. Mon testament, le vrai — et il insista sur ce mot : vrai ; — celui qui est déposé chez le notaire d’Orcival et qui vous sera communiqué, porte une date postérieure de deux jours. Je puis vous donner lecture du brouillon.

Il tira d’un portefeuille, caché comme le revolver sous son chevet, une feuille de papier et lut :

« Atteint d’une maladie qui ne pardonne pas et que je sais être incurable, j’exprime ici, librement et dans la plénitude de mes facultés, mes volontés dernières.

« Mon vœu le plus cher est que ma bien aimée veuve, Berthe, épouse, aussitôt que les délais légaux seront expirés, mon cher ami le comte Hector de Trémorel. Ayant été à même d’apprécier la grandeur d’âme, et la noblesse de sentiment de ma femme et de mon ami, je sais qu’ils sont dignes l’un de l’autre et que, l’un par l’autre, ils seront heureux. Je meurs plus tranquille, sachant que je laisse à ma Berthe un protecteur dont j’ai éprouvé… »

Il fut impossible à Berthe d’en entendre davantage.

— Grâce ! s’écria-t-elle, assez !

— Assez, soit, répondit Sauvresy. Je vous ai lu ce brouillon pour vous montrer que si, d’un côté, j’ai tout disposé pour assurer l’exécution de mes volontés, de l’autre j’ai tout fait pour vous conserver la considération du monde. Oui, je veux que vous soyez estimés et honorés, c’est sur vous seuls que je compte pour ma vengeance. J’ai noué autour de vous un réseau que vous ne sauriez briser. Vous triomphez. La pierre de ma tombe sera bien comme vous l’espériez, l’autel de vos fiançailles ; sinon, le bagne.

Sous tant d’humiliations, sous tant de coups de fouet