Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/323

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— Que pense maintenant monsieur le juge d’instruction ?

M. Domini, il faut l’avouer, était médiocrement satisfait. Ce n’est jamais sans une secrète contrariété qu’on voit un inférieur désarticuler d’un doigt brutal un système qu’on a pris la peine de combiner et d’agencer. Mais si entier qu’il soit dans ses opinions, si peu disposé qu’il s’avoue à entrer dans le sentiment d’autrui, il lui fallait bien cette fois s’incliner devant l’évidence qui éclatait à aveugler.

— Je suis convaincu, répondit-il, qu’un crime a été commis sur la personne de M. Clément Sauvresy avec l’assistance chèrement payée de ce Robelot. C’est si vrai que dès demain monsieur le docteur Gendron recevra une réquisition d’avoir à procéder sans délai à l’exhumation et à l’autopsie du cadavre de mon dit Clément Sauvresy.

— Et je retrouverai le poison, affirma le docteur, vous pouvez en être sûr.

— Fort bien, reprit M. Domini. Mais de ce que M. de Trémorel a empoisonné son ami pour épouser sa veuve, s’ensuit-il nécessairement, rigoureusement, qu’il a hier assassiné sa femme et ensuite pris la fuite ? Je ne le crois pas.

Le père Plantat, n’osant rien dire, tant il craignait de s’emporter, trépignait de colère. M. Domini s’égarait.

— Pardon, monsieur, objecta doucement M. Lecoq, il me semblait que le suicide de Mlle Courtois, — suicide supposé, tout porte à le croire, — prouvait au moins quelque chose.

— C’est un fait à éclaircir. La coïncidence que vous invoquez peut n’être qu’un pur effet du hasard.

— Mais, monsieur, insista l’agent de la sûreté, visiblement agacé, je suis sûr que M. de Trémorel s’est rasé, j’en ai la preuve ; nous n’avons pas retrouvé les bottes qu’au dire de son domestique il avait chaussées le matin…

— Doucement, monsieur, interrompit le juge, plus