Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/340

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vez trompé, vous ne saviez rien, vous avez plaidé le faux pour savoir le vrai. J’ai été assez simple pour vous répondre et vous allez retourner toutes mes paroles contre moi.

— Quoi ? vas-tu déraisonner de nouveau ?

— Non, mais j’y vois clair et vous ne me reprendrez plus. Maintenant, monsieur, je mourrais plutôt que de dire un mot.

L’agent allait chercher à le rassurer, il ajouta avec un entêtement idiot :

— Je suis d’ailleurs aussi fin que vous, allez, je ne vous ai dit que des mensonges.

Ce revirement subit du prévenu n’étonna personne. S’il est des prévenus qui, une fois enfermés dans un système de défense, n’en sortent pas plus qu’une tortue de sa carapace, il en est d’autres qui, à chaque nouvel interrogatoire, varient, niant aujourd’hui ce qu’hier ils affirmaient, inventant le lendemain quelque épisode absurde qu’ils démentiront encore.

C’est donc vainement que M. Lecoq essaya de faire sortir encore Guespin de son mutisme ; vainement que M. Domini, à son tour, essaya de lui tirer quelques paroles.

À toutes les questions il avait pris le parti de répondre :

— Je ne sais pas.

L’agent de la sûreté s’impatienta à la fin.

— Tiens, dit-il au prévenu, je t’avais pris pour un garçon d’esprit et tu n’es qu’un sot. Tu crois que nous ne savons rien ? Écoute-moi : Le soir de la noce de Mme  Denis, au moment où tu te disposais à partir avec tes camarades, lorsque tu venais d’emprunter vingt francs au valet de chambre, ton maître t’a appelé. Après t’avoir recommandé un secret absolu, secret que tu as gardé, c’est une justice à te rendre, il t’a prié de quitter les autres domestiques à la gare et d’aller jusqu’aux Forges de Vulcain lui acheter un marteau, une lime, un ciseau à froid et un poignard. Ces objets, tu devais les porter à