Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/341

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une femme. C’est alors que ton maître t’a donné ce fameux billet de cinq cents francs, en disant que tu lui rendrais le reste à ton retour le lendemain. Est-ce cela ?

Oui, c’était cela, on le voyait dans les yeux du prévenu. Cependant il répondit encore :

— Je ne me rappelle pas.

— Alors, poursuivit M. Lecoq, je vais te conter ce qui est arrivé ensuite. Tu as bu, tu t’es soûlé, si bien que tu as dissipé en partie le reste du billet qui t’avait été confié. De là, tes terreurs quand on t’a mis la main dessus, hier matin, avant qu’on t’ait dit un mot. Tu as cru qu’on t’arrêtait pour détournement. Puis, quand tu as su que le comte avait été assassiné dans la nuit, te rappelant que la veille tu avais acheté toutes sortes d’instruments de vol et de meurtre, songeant que tu ne sais ni l’adresse ni le nom de la femme à qui tu as remis le paquet, convaincu qu’on ne te croirait pas si tu expliquais l’origine de l’argent trouvé dans ta poche, au lieu de songer aux moyens de prouver ton innocence, tu as eu peur, tu as cru te sauver en te taisant.

Il est certain que la physionomie du prévenu changeait à vue d’œil. Ses nerfs se détendaient ; ses lèvres tout à l’heure crispées se desserraient. Son esprit s’ouvrait à l’espérance. Mais il résista.

— Faites de moi ce que vous voudrez, dit-il.

— Eh ! que veux-tu que nous fassions d’un idiot comme toi ? s’écria M. Lecoq décidément en colère. Je commence à croire que tu es un mauvais gars. Un bon sujet comprendrait que nous voulons le tirer d’un mauvais pas et il nous dirait la vérité. C’est volontairement que tu vas prolonger ta prévention. Tu apprendras ainsi que la plus grande finesse est encore de dire ce qui est. Une dernière fois, veux-tu répondre ?

De la tête Guespin fit signe que non.

— Retourne donc en prison et au secret, puisque tu t’y plais, conclut l’agent de la sûreté.

Et ayant cherché de l’œil l’approbation du juge d’instruction :