Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/360

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je m’expliquerai. » Mais voilà qu’il était pris de ces pudeurs irréfléchies qui embarrassent un vieillard obligé de confesser ses faiblesses à un jeune homme et qui font monter le rouge à son front.

Redoutait-il donc le ridicule ? Non. Sa passion d’ailleurs était bien au-dessus d’un sarcasme ou d’un sourire ironique. Et que risquait-il ? Rien. Est-ce que ce policier auquel il n’osait plus confier ses secrètes pensées ne les avait pas devinées ? N’avait-il pas su lire dans son âme dès les premiers instants, et plus tard ne lui avait-il pas arraché un aveu.

Ainsi il réfléchissait en lui-même, lorsque le timbre de l’entrée retentit.

— Monsieur, vint dire Janouille, un agent de Corbeil, nommé Goulard, demande à vous parler. Dois-je lui ouvrir ?

— Oui, et fais-le entrer ici.

On entendit le fracas des verrous et de la chaîne de la porte, et presque aussitôt Goulard parut dans la salle à manger.

L’agent, cher à M. Domini, avait endossé ses plus beaux habits, passé du linge blanc et arboré son col de crin le plus haut. Il était respectueux et raide, comme il convient à un ancien militaire qui a appris au régiment que le respect se mesure à la raideur.

— Que diable viens-tu chercher ici, lui demanda brutalement M. Lecoq, et qui s’est permis de te donner mon adresse ?

— Monsieur, répondit Goulard, visiblement intimidé par cette réception, daignez m’excuser, je suis envoyé par M. le docteur Gendron pour remettre cette lettre à monsieur le juge de paix d’Orcival.

— En effet, dit le père Plantat, j’ai, hier soir, prié Gendron de me faire connaître par une dépêche le résultat de l’autopsie, et ne sachant à quel hôtel je descendrais, je me suis permis de lui demander de me l’adresser chez vous.