Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/376

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lettre ailleurs qu’à Paris. Donc, il est impossible que cette lettre n’ait pas été portée à un bureau voisin de l’appartement.

Si simples étaient ces réflexions que le père Plantat s’étonnait de ne les point avoir faites. Mais on ne voit jamais bien clair dans une affaire où on est puissamment intéressé, la passion brouille les yeux comme la chaleur d’un appartement les lunettes. Avec son sang-froid il avait perdu en partie sa perspicacité. Et son trouble était immense ; il lui semblait que M. Lecoq prenait de singuliers moyens pour tenir sa promesse.

— Il me semble, monsieur, ne put-il s’empêcher de remarquer, que si vous désirez soustraire Hector à la cour d’assises, les hommes que vous réunissez vous embarrasseront bien plus qu’ils ne vous seront utiles.

Dans le regard aussi bien que dans le ton du juge de paix, M. Lecoq crut démêler un certain doute qui le choqua.

— Vous défieriez-vous de moi, monsieur ? demanda-t-il.

Le père Plantat voulut protester.

— Croyez, monsieur…

— Vous avez ma parole, reprit M. Lecoq, et si vous me connaissiez mieux, vous sauriez que je la dégage toujours quand je l’ai donnée. Je vous ai affirmé que je ferais tous mes efforts pour sauver Mlle Laurence, je les ferai. Mais n’oubliez pas que je vous ai promis mon concours et non le succès. Laissez-moi donc prendre les mesures que je crois opportunes.

Ce disant, sans s’occuper de l’air tout à fait décontenancé du juge de paix, il sonna pour appeler Janouille.

— Tiens, lui dit-il, voici d’abord une lettre qu’il s’agit de faire porter de suite à Job.

— Je vais la porter moi-même.

— Du tout. Tu vas, toi, me faire le plaisir de rester ici sans bouger, pour attendre les hommes que j’ai envoyés en tournée ce matin. À mesure qu’ils se présenteront, tu les enverras au rapport chez le marchand de