Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/387

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— Pas précisément, mais je m’imaginais qu’il y avait quelque maîtresse sous jeu, et je n’étais pas fâchée de l’aider à tromper la femme que je déteste et qui m’a fait du tort.

— Ainsi vous avez obéi.

— De point en point, et tout est arrivé comme Hector l’avait prévu. À dix heures précises mon domestique arrive, il me prend pour une bonne et me remet le paquet. Naturellement, je lui offre un bock, il accepte et m’en propose un autre que j’accepte également. Il est très-comme il faut, ce jardinier, aimable et poli ; je vous assure que j’ai passé une excellente soirée avec lui. Il sait un tas d’histoires toutes plus drôles les unes que les autres…

— Passons, passons… Qu’avez-vous fait ensuite ?

— Après la bière nous avons bu des petits verres, — il avait ses poches pleines d’argent, ce jardinier, — et après les petits verres, encore de la bière, puis du punch, puis du vin chaud. À onze heures il était déjà très gris et parlait de me mener aux Batignolles danser un quadrille. Moi je refuse et je lui dis qu’étant galant il ne peut se dispenser de venir me reconduire chez ma maîtresse qui demeure au haut des Champs-Élysées. Nous voilà donc sortis du café et allant de marchands de vins en marchands de vins tout le long de la rue de Rivoli. Bref, sur les deux heures du matin, ce pauvre diable était tellement ivre qu’il est tombé comme une masse sur un banc près de l’Arc-de-Triomphe, qu’il s’y est endormi et que je l’y ai laissé.

— Et vous, qu’êtes-vous devenue ?

— Moi, je suis rentrée chez moi.

— Qu’est devenu le paquet ?

— Ma foi ! je devais le jeter à la Seine, mais je l’ai oublié ; vous comprenez, j’avais bu presque autant que le jardinier, surtout au commencement… si bien que je l’ai rapporté chez moi où il est encore.

— Mais vous l’avez ouvert ?

— Comme bien vous pensez.