Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/46

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venances exquises, dont les époux, je ne crains pas de le dire, se déshabituent en général trop vite.

— Et la comtesse ? demanda le père Plantat, d’un ton trop naïf pour ne point être ironique.

— Berthe ! répliqua monsieur le maire, — elle me permettait de la nommer paternellement ainsi, — Berthe ! je n’ai pas craint de la citer maintes et maintes fois pour exemple et modèle à Mme Courtois. Berthe ! elle était digne de Sauvresy et d’Hector, les deux hommes les plus dignes que j’aie rencontrés en ma vie !…

Et s’apercevant que son enthousiasme surprenait un peu les auditeurs :

— J’ai mes raisons, reprit-il plus doucement, pour m’exprimer ainsi, et je ne redoute point de le faire devant des hommes dont la profession et encore plus le caractère me garantissent la discrétion. Sauvresy m’a rendu en sa vie un grand service lorsque… j’eus la main forcée pour prendre la mairie. Quant à Hector, je le croyais si bien revenu des erreurs de sa jeunesse, qu’ayant cru m’apercevoir qu’il n’était pas indifférent à Laurence, ma fille aînée, j’avais songé à un mariage d’autant plus sortable que, si le comte Hector de Trémorel avait un grand nom, je donnais à ma fille une dot assez considérable pour redorer n’importe quel écusson. Les événements seuls ont modifié mes projets.

M. le maire eût chanté longtemps encore les louanges des « époux Trémorel, » et les siennes, par la même occasion, si le juge d’instruction n’eût pris la parole.

— Me voici fixé, commença-t-il, désormais il me semble…

Il fut interrompu par un grand bruit partant du vestibule. On eût dit une lutte, et les cris et les vociférations arrivaient au salon.

Tout le monde se leva.

— Je sais ce que c’est, dit le maire, je ne le sais que trop ; on vient de retrouver le cadavre du comte de Trémorel.