Aller au contenu

Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était plus facile à ordonner qu’à exécuter. La terreur prêtait à Guespin une force énorme.

Mais le docteur ayant eu l’idée d’ouvrir le second battant de la porte du salon, le point d’appui manqua au misérable, et il tomba, ou plutôt roula aux pieds de la table sur laquelle écrivait le juge d’instruction.

Il fut debout aussitôt, et des yeux chercha une issue pour fuir. N’en ayant pas, car les fenêtres aussi bien que la porte étaient encombrées de curieux, il se laissa tomber dans un fauteuil.

Ce malheureux offrait l’image de la terreur arrivée à son paroxysme. Sur sa face livide, se détachaient, bleuâtres, les marques des coups qu’il avait reçus dans la lutte ; ses lèvres blêmes tremblaient et il remuait ses mâchoires dans le vide, comme s’il eût cherché un peu de salive pour sa langue ardente ; ses yeux démesurément agrandis étaient injectés de sang et exprimaient le plus affreux égarement ; enfin son corps était secoué de spasmes convulsifs.

Si effrayant était ce spectacle, que monsieur le maire d’Orcival pensa qu’il pouvait devenir un enseignement d’une haute portée morale ; il se retourna donc vers la foule, en montrant Guespin, et d’un ton tragique, il dit :

— Voilà le crime !

Les autres personnes, cependant, le docteur, le juge d’instruction et le père Plantat, échangeaient des regards surpris.

— S’il est coupable, murmurait le vieux juge de paix, comment diable est-il revenu ?

Il fallut un bon moment pour faire retirer la foule ; le brigadier de gendarmerie n’y parvint qu’avec l’aide de ses hommes, puis il revint se placer près de Guespin, estimant qu’il ne serait pas prudent de laisser seul, avec des gens sans armes, un si dangereux malfaiteur.

Hélas ! il n’était guère redoutable en ce moment, le misérable. La réaction venait, son énergie surexcitée s’affaissait comme la flamme d’une poignée de paille, ses