Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/94

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sons, ils ignoraient l’art de les mener à bien. Leurs malices étaient, ainsi que l’eût dit le digne M. Courtois, cousues de fil blanc.

On pouvait cependant mettre toutes leurs fautes sur le compte d’une précipitation forcée ou d’un trouble qu’ils ne prévoyaient pas.

Les planchers brûlent les pieds, disait un policier célèbre, dans une maison où on vient de commettre un crime.

M. Lecoq, lui, paraissait indigné, exaspéré comme peut l’être un véritable artiste devant l’œuvre grossière, prétentieuse et ridicule de quelque écolier poseur.

— Voilà, grommelait-il, qui passe la permission. Canaille ! canaille ! ne l’est pas qui veut ; canaille habile, surtout. Encore faut-il les qualités de l’emploi, mille diables ! et tout le monde, Dieu merci ! ne les a pas.

— M. Lecoq ! M. Lecoq ! murmurait le vieux juge de paix.

— Eh ! monsieur, je ne dis rien que de juste. Quand on est candide à ce point, on devrait bien rester honnête, purement et simplement, c’est si facile !

Alors, perdant toute mesure, tant sa colère paraissait grande, il avala, d’un seul coup, cinq ou six carrés de pâtes assorties.

— Voyons, voyons, poursuivait le père Plantat, de ce ton paternellement grondeur qu’on prend pour apaiser un enfant qui crie, ne nous fâchons pas. Ces gens-ci ont manqué d’adresse, c’est incontestable, mais songeons qu’ils ne pouvaient, dans leurs calculs, faire entrer en ligne de compte l’habileté d’un homme tel que vous.

M. Lecoq qui a la vanité de tous les acteurs, fut sensible au compliment et dissimula assez mal une grimace de satisfaction.

— Soyons donc indulgent, continuait le père Plantat. D’ailleurs, — il fit une pause pour donner plus de valeur à ce qu’il allait dire, — d’ailleurs vous n’avez pas encore tout vu.

On ne sait jamais quand M. Lecoq joue la comédie.