Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/95

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Comment le saurait-on, il ne le sait pas toujours lui-même. Ce grand artiste, passionné pour son art, s’est exercé à feindre tous les mouvements de l’âme, de même qu’il s’est habitué à porter tous les costumes ; et telle a été la conscience de ses études, qu’arrivé à une perfection désolante pour la vérité, peut-être, à cette heure, n’a-t-il pas plus de sentiments que de physionomie qui lui soient propres.

Il tempêtait bien fort contre les malfaiteurs, il gesticulait, mais il ne cessait d’observer sournoisement le père Plantat, et ces derniers mots lui firent dresser l’oreille.

— Voyons donc le reste, dit-il.

Et tout en suivant au jardin le vieux juge de paix, il adressait au portrait de la bonbonnière la confidence de son déplaisir et de son désappointement.

— Peste soit, lui disait-il, peste soit du vieux cachottier. Nous ne tirerons rien par surprise de cet entêté. Il nous donnera le mot de son rébus quand nous l’aurons deviné, pas avant. Il est aussi fort que nous, ma mignonne, il ne lui manque absolument qu’un peu de pratique. Cependant, vois-tu, pour qu’il ait trouvé ce qui nous échappe, il faut qu’il ait eu des indices antérieurs que nous ne connaissons pas.

Au jardin, rien n’avait été dérangé.

— Tenez, M. Lecoq, disait le vieux juge de paix, en suivant une des allées en demi-cercle conduisant à la Seine, tenez, c’est ici, à cet endroit du gazon qu’on a trouvé une des pantoufles de ce pauvre comte ; là-bas, un peu à droite de cette corbeilles de géraniums, était son foulard.

Ils arrivèrent au bord de la rivière et relevèrent avec beaucoup de circonspection les planches qu’avait fait placer le maire pour laisser les empreintes intactes.

— Nous supposons, dit le père Plantat, que la comtesse ayant réussi à s’échapper, a pu fuir jusqu’ici, et que c’est ici qu’elle a été rejointe et frappée d’un dernier coup.

Était-ce là l’avis du vieux juge, ne faisait-il que