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C’est avec une sorte de soumission ébahie que Prosper écoutait cet homme, qui, tout en étant l’ami de son père, était pour lui un inconnu.

Sans en avoir la conscience, il subissait l’ascendant d’une nature plus énergique que la sienne. Tout lui manquait, il était heureux de trouver un appui.

— Je suivrai votre conseil, répondit Prosper, après quelques instants de réflexion.

— J’en étais sûr, mon cher ami. Donc, nous faisons la lessive aujourd’hui. Et notez que le produit de la vente nous sera diablement utile. Avez-vous de l’argent ? Non. Il en faut cependant. Je savais si bien vous convaincre, que j’ai fait venir un marchand de meubles ; il prend tout ici, en bloc, pour 12,000 francs, les tableaux exceptés.

Malgré lui, le caissier eut un haut-le-corps que remarqua M. Verduret.

— Oui, fit-il, c’est dur, je le sais, mais c’est nécessaire. Écoutez, ajouta-t-il d’un ton qui tranchait avec le reste de la conversation : vous êtes le malade, et je suis le médecin chargé de vous guérir. Si je taille dans le vif, criez, mais laissez-moi tailler. Là est le salut.

— Taillez, monsieur, répondit Prosper, subissant de plus en plus l’ascendant.

— Parfait. Et… passons, car le temps presse… Vous êtes l’ami de M. de Lagors ?

— De Raoul ? oui, monsieur, l’ami intime.

— Alors, qu’est-ce que ce particulier ?

La qualification de « particulier » sembla blesser Prosper.

— M. de Lagors, monsieur, répondit-il d’un ton piqué, est le neveu de M. Fauvel ; c’est un tout jeune homme, riche, distingué, spirituel, et le meilleur et le plus loyal que je sache.

— Hum ! fit M. Verduret, voilà un mortel orné de bien des qualités, et je suis ravi à l’idée que je vais faire sa connaissance. Car, il faut que je vous l’avoue, je lui ai écrit en votre nom un petit billet pour le prier de venir jusqu’ici, et il a fait répondre qu’il viendrait.