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— Te souviens-tu, lui demanda-t-il, d’avoir apporté ce pli ici ce matin ?

— Parfaitement, monsieur, d’autant mieux que j’avais remarqué l’adresse : on n’en voit pas beaucoup de pareilles, n’est-il pas vrai ?

— Je suis de ton avis. Et qui t’a chargé de l’apporter ? Est-ce un homme, est-ce une femme ?

— Non, monsieur, c’est un commissionnaire.

Cette réponse, qui égaya singulièrement le concierge, ne fit même pas sourire M. Verduret.

— Un commissionnaire, poursuivit-il, connais-tu ce collègue ?

— Je ne l’avais jamais tant vu.

— Comment est-il ?

— Ma foi ! monsieur, ni grand ni petit ; il était vêtu d’une veste de velours verdâtre, il avait sa médaille.

— Diable ! mon garçon, le signalement est vague et peut s’appliquer à beaucoup de commissionnaires ; seulement ce collègue t’a peut-être dit qui l’avait chargé de cette commission.

— Non, monsieur. Il m’a seulement dit, en me mettant dix sous dans la main : Tiens, porte cela rue Chaptal, au 39, c’est un cocher qui me l’a remis sur le boulevard… Dix sous ! je suis sûr qu’il a gagné sur moi.

Cette réponse sembla un peu déconcerter M. Verduret. Tant de précautions prises, pour faire parvenir cette lettre à Prosper l’inquiétaient et dérangeaient ses plans.

— Enfin, reprit-il, reconnaîtrais-tu le commissionnaire de ce matin ?

— Pour cela, oui, monsieur, si je le voyais.

— Alors, attention. Combien ton état te rapporte-t-il par jour ?

— Dame ! monsieur, je ne sais pas au juste, mais j’ai un bon coin, allez ; enfin, mettons entre huit et dix francs par jour.

— Eh bien ! mon garçon, je vais te donner, moi, dix francs par jour, rien que pour te promener, c’est-à-dire pour chercher le commissionnaire de ce matin. Tous les