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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/140

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— Tâchons, à présent, poursuivait-il, de découvrir où ont été découpés les mots qui composent ces trois phrases.

Il s’approcha de la fenêtre et se mit à étudier les caractères collés dessus avec l’attention scrupuleuse d’un savant en us qui cherche à déchiffrer un vieux manuscrit à demi effacé.

— Petit caractère, disait-il, très-délicat, très-net, impression très-soignée, papier assez mince et fortement satiné ! Ces mots n’ont été découpés, par conséquent ni dans un journal, ni même dans un volume de roman, ni même dans un livre de vente courante. Cependant, je les ai vus ces caractères-là, je les connais, Didot en emploie souvent de pareils ainsi que Mame, de Tours.

Il s’arrêta, la bouche demi béante, la prunelle dilatée, faisant à sa mémoire un de ces énergiques appels qui concentrent la pensée sur un point unique.

Tout à coup, il se frappa le front.

— J’y suis, disait-il, j’y suis ! Comment, diable ! n’ai-je pas aperçu cela du premier coup d’œil ? Tous ces mots ont été découpés dans un paroissien. Au surplus, nous allons bien voir, il est un moyen de vérification.

Alors, délicatement, du bout de sa langue, il mouilla quelques-uns des mots collés sur le papier, et lorsqu’il vit la colle assez humide, s’aidant d’une épingle il réussit à les détacher. À l’envers d’un de ces mots, un mot latin était imprimé : Deus.

— Eh ! eh ! fit-il avec un petit rire de satisfaction, j’avais deviné. Papa Tabaret, s’il était ici, serait content. Mais qu’est devenu le paroissien mutilé ? L’a-t-on brûlé ? Non, parce qu’un livre relié ne brûle pas comme cela. On l’aura jeté dans quelque coin.

M. Verduret s’interrompit ; le concierge rentrait, ramenant le commissionnaire du coin de la rue Pigalle.

— Ah ! tu arrives à propos, mon garçon, dit le gros homme de son air le plus ouvert.

Et présentant au commissionnaire l’enveloppe de la lettre :