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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/162

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M. Verduret travaillait devant lui, il commençait à se pénétrer de sa méthode d’inductions. Comme lui, il essayait de grouper les faits, d’ajuster les circonstances à des soupçons plus ou moins probables.

— De ce que vous m’apprenez, fit-il enfin, il résulte que M. de Clameran, le nôtre, bien entendu, était dans une profonde misère, lorsque je l’ai aperçu pour la première fois chez M. Fauvel.

— Évidemment.

Et c’est peu après que Lagors est arrivé de sa province ?

— Justement.

— Et c’est un mois environ après son arrivée que Madeleine, tout à coup, m’a banni.

— Allons donc !… s’écria M. Verduret, vous commencez à vous former et à comprendre la signification des faits.

Il s’interrompit à la vue d’un nouveau consommateur qui entrait à la Bonne-Foi.

C’était un domestique de bonne maison, bien peigné, mieux rasé, portant dignement ses favoris noirs à la Bergami ; il avait de belles bottes plissées à revers, la culotte jaune, et le gilet à manches, à raies rouges et noires.

Après un coup d’œil rapide, mais sûr, jeté autour de la salle, il marcha rapidement vers la table de M. Verduret.

— Eh bien ! maître Joseph Dubois ? interrogea le gros homme.

— Ah ! patron, ne m’en parlez pas, répondit le domestique, ça chauffe, voyez-vous, ça chauffe ferme.

Toute l’attention dont Prosper était capable, il la concentrait sur le superbe domestique.

Il lui semblait qu’il connaissait cette physionomie. Il se disait que très-certainement il avait déjà vu quelque part ce front fuyant et ces yeux d’une agaçante mobilité. Mais où, mais en quelles circonstances ? Il cherchait et ne trouvait pas.