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ver les épaisses cloisons mobiles, et leurs salons sont alors des plus beaux qu’il y ait à Paris.

Magnificence princière, merveilleuse entente du comfort, hospitalité pleine de prévenances, tout contribue à rendre ces fêtes des plus courues et des plus recherchées qu’il soit.

C’est dire que, le samedi, la rue Saint-Lazare était encombrée de voitures prenant la file en attendant leur tour.

À dix heures, on dansait déjà dans deux salons.

C’était un bal travesti. Presque tous les costumes étaient d’une grande richesse, beaucoup du meilleur goût, quelques-uns vraiment originaux.

Parmi ces derniers, on remarquait surtout un paillasse, oh ! mais un vrai, ayant l’admirable physionomie de l’emploi, œil insolent, bouche gourmande et gouailleuse, pommettes allumées, et une barbe si rouge, qu’elle semblait flamber au feu des lustres.

Le costume était exact comme la tradition : les bottes étaient à revers, le chapeau était suffisamment bosselé, la dentelle du jabot s’effiloquait.

Il tenait de la main gauche la hampe d’une sorte de bannière de toile sur laquelle six ou huit tableaux étaient figurés, grossièrement peints comme les tableaux des baraques foraines. De la main droite il agitait une petite badine, dont il frappait sa toile, par moments, à la façon des saltimbanques débitant leur boniment.

On entourait ce paillasse, on attendait de lui quelques quolibets spirituels, mais lui, obstinément, se tenait près de la porte d’entrée.

Ce n’est guère que sur les dix heures et demie qu’il quitta son poste.

M. et Mme  Fauvel, suivis de leur nièce, Madeleine, venaient d’entrer.

Un groupe compacte se forma presque aussitôt près de la porte.

Depuis dix jours, l’affaire du banquier de la rue de Provence avait été l’aliment le plus vif de toutes les con-