Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

si quelque chose en elle se fut déchiré, comme si cette barque, maintenant disparue, eût emporté la meilleure part d’elle-même, l’âme et la pensée.

C’est que pendant que Gaston gardait au fond du cœur un rayon d’espérance, elle ne conservait, elle, aucun espoir.

Écrasée par les faits, elle reconnaissait que tout était fini. Et en interrogeant l’avenir, elle était prise de frissons et de terreur.

Il lui fallait rentrer, cependant.

Lentement elle regagna le château, passant par cette petite porte qui, tant de fois, s’était ouverte mystérieusement pour Gaston, et en la refermant, il lui semblait qu’entre elle et le bonheur, elle poussait une barrière infranchissable.

Avant de remonter chez elle, Valentine eut le soin de faire le tour du château pour aller regarder les fenêtres de la chambre de sa mère.

Ces fenêtres étaient éclairées comme d’habitude à cette heure, car Mme  de La Verberie passait une partie des nuits à lire, et ne se levait que très-avant dans la matinée.

Réfugiée dans l’engourdissement du bien-être matériel, peu coûteux à la campagne, l’égoïste comtesse ne s’inquiétait aucunement de sa fille. Ne voyant nul danger pour elle, dans leur isolement, elle lui laissait une liberté absolue, et, jour et nuit, pour ainsi dire, Valentine pouvait aller, venir, se promener sans que sa mère songeât à en prendre ombrage.

Mais Valentine, cette nuit, redoutait d’être vue. On lui eût demandé d’où venait l’affreux désordre de sa toilette ; et comment expliquer pourquoi sa robe était toute mouillée et tachée de boue ?

Heureusement elle put, sans encombre, gagner sa chambre et s’y enfermer.

Elle avait soif de solitude, elle voulait réfléchir, elle sentait la nécessité de s’affermir contre les coups terribles qui allaient la frapper.