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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/257

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Elle mourrait ainsi qu’elle avait vécu, pauvre, besogneuse, condamnée à une médiocrité d’autant plus écœurante, qu’elle n’aurait plus, pour l’aider à la subir, les perspectives d’un avenir meilleur.

Et c’était Valentine qui la réduisait à cette extrémité. À cette idée, elle sentait s’allumer en elle, contre sa fille, une de ces haines qui ne pardonnent pas, que le temps avive au lieu de calmer. Elle souhaitait la voir morte, ainsi que cet enfant maudit.

Mais le regard écrasant du docteur était trop présent à sa mémoire pour penser seulement à rien tenter. Même, se décidant à monter près de sa fille, elle se contraignit à sourire, à prononcer quelques paroles affectueuses, puis la laissa à la garde de la dévouée Mihonne.

Pauvre Valentine ! Elle avait été si rudement atteinte qu’il lui semblait sentir se tarir en elle les sources de la vie.

Cependant sa souffrance diminuait un peu. Aux grandes crises physiques ou morales, un engourdissement profond succède toujours, qui est presque exempt de douleurs. Quand elle avait la force de réfléchir, elle se disait :

— C’est fini, ma mère sait tout ; je n’ai plus rien à redouter de sa colère ; je ne puis qu’espérer et attendre mon pardon.

C’était là ce secret que Valentine n’avait pas voulu révéler à Gaston, comprenant bien que, le sachant, jamais il n’aurait consenti à s’éloigner sans elle. Or, elle voulait qu’il se sauvât, et la voix du devoir, en même temps, lui criait de rester. Et, à cette heure encore, elle ne se repentait pas d’être restée.

Son plus cruel souci était le souvenir de Gaston. Avait-il, ou non, réussi à s’embarquer ? Comment le savoir ? Depuis deux jours le docteur lui permettait de se lever, mais elle ne pouvait songer à sortir, à courir jusqu’à la cabane dit père Menoul.

Par bonheur, le vieux patron fut intelligent comme sait l’être le dévoûment véritable.