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qu’il n’y a pas des hommes, mais bien des événements.

Prévenu par le garçon de bureau, le commissaire de police mandé par M. Fauvel ne tarda pas à paraître.

C’est de l’air le plus calme, il faudrait dire le plus indifférent, qu’il entra dans le bureau.

Un petit homme, tout de noir habillé, portant cravate en corde autour d’un faux-col douteux, le suivait.

C’est à peine si le banquier prit la peine de saluer.

— Sans doute, monsieur, commença-t-il, on vous a appris quelles circonstances pénibles me forcent à avoir recours à vos bons offices ?

— Il s’agit, m’a-t-on dit, d’un vol.

— Oui, monsieur, d’un vol odieux, inexplicable, commis dans ce bureau où nous sommes, dans cette caisse que vous voyez là, ouverte, et dont mon caissier — et il montrait Prosper — a seul le mot et la clé.

Cette déclaration parut tirer le malheureux caissier de sa morne stupeur.

— Pardon, monsieur le commissaire, dit-il d’une voix éteinte, mon patron, lui aussi, a la clé et le mot.

— Bien entendu, cela va sans dire.

Ainsi, dès les premiers mots, le commissaire était fixé.

Évidemment, ces deux hommes s’accusaient réciproquement. De leur aveu même, l’un d’eux pouvait seul être le coupable.

Et l’un était le chef d’une maison de banque très-importante, l’autre un simple caissier. L’un était le patron, l’autre l’employé.

Mais le commissaire de police était bien trop habitué à dissimuler ses impressions pour que rien, au dehors, trahît ce qui se passait en lui. Pas un muscle de sa figure ne bougea.

Seulement, devenu plus grave, il observait alternativement le caissier et M. Fauvel, comme si de leur contenance, de leur attitude, il eût pu tirer quelque induction profitable.

Prosper était toujours fort pâle et aussi abattu que pos-