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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/320

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en homme qui, pour remplir un devoir, triomphe de vives répugnances.

— Qu’y a-t-il ? demanda Mme Fauvel.

— Il y a, répondit Louis, qu’en ce jeune homme je retrouve l’orgueil et les passions des Clameran. Il est de ces natures dont rien n’arrête les emportements, que les obstacles irritent, que les représentations exaspèrent, et je ne vois pas de digue à opposer à ses violences.

— Grand Dieu ! que peut-il avoir fait ?

— Rien de précisément blâmable, rien d’irréparable à coup sûr, mais son avenir m’effraye. Il ne sait rien encore de vos bontés pour lui, il croit puiser à ma bourse et je lui vois la prodigalité d’un fils de millionnaire.

Mme Fauvel n’eût pas été mère, si elle n’eût essayé de prendre la défense de Raoul.

— Peut-être êtes-vous un peu sévère, dit-elle. Pauvre enfant ! Il a tant souffert. Il n’a connu jusqu’ici que les privations, et le bonheur le grise. Il se jette sur le plaisir comme un affamé sur un bon repas. Est-ce si surprenant ? Allez, il reviendra promptement à la raison, il a bon cœur.

« Il a été si malheureux ! » Là était pour Mme Fauvel l’excuse de Raoul. C’est cette phrase que sans cesse elle répétait à M. de Clameran, toutes les fois qu’il se plaignait de son neveu.

Et certes, ayant une fois commencé, il ne cessait de se plaindre.

— Rien ne l’arrête, gémissait-il, une folie qui lui passe par la tête est une folie faite.

Mais Mme Fauvel ne voyait là nulle raison d’en vouloir à son fils.

— Souvenons-nous, disait-elle, que dès sa plus tendre enfance il a été livré à ses instincts. Il n’a pas eu, l’infortuné, une mère penchée sur son berceau pour jeter en son âme le germe des bonnes pensées et des nobles sentiments. La voix ferme d’un père n’a jamais corrigé les écarts de sa jeune imagination.

— Il est excusable, il est vrai, mais il faut qu’il change.