Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle devina bien à son accent, qu’il allait découvrir le fond de sa pensée, et elle l’écouta avec cette lamentable résignation du condamné qui entend lire son arrêt.

— N’avez-vous pas, poursuivait Louis, à Saint-Remy, une de vos parentes, très-âgée, veuve, n’ayant eu que deux filles ?…

— Oui, ma cousine de Lagors.

— C’est cela même. Quelle est sa situation de fortune ?

— Elle est pauvre, monsieur, très-pauvre.

— Précisément, et sans les secours que vous lui adressez en secret, elle serait à la charité.

Mme Fauvel n’en pouvait revenir, de voir le marquis si bien informé.

— Quoi ! balbutia-t-elle, vous savez cela !

— Oui, madame, cela et bien d’autres choses encore. Je sais, par exemple que votre mari ne connaît personne de votre famille, et que c’est à peine s’il se doute de l’existence de votre cousine de Lagors. Commencez-vous à comprendre mon plan ?

Elle l’entrevoyait, au moins, et elle se demandait comment résister.

— Voici donc, poursuivait Louis, ce que j’ai imaginé : Demain ou après-demain, vous recevrez de Saint-Remy une lettre de votre cousine, vous annonçant qu’elle envoie son fils à Paris et vous priant de veiller sur lui. Naturellement vous montrez cette lettre à votre mari, et quelques jours plus tard, il reçoit à merveille son neveu Raoul de Lagors, un charmant garçon, riche, spirituel, aimable, qui fera tout pour lui plaire et qui lui plaira.

— Jamais ! monsieur, s’écria Mme Fauvel, jamais ma cousine qui est une honnête femme ne prêtera les mains à cette comédie révoltante.

Le marquis eut un sourire plein de fatuité.

— Vous ai-je dit, demanda-t-il, que je mettrais la cousine dans la confidence ?

— Il le faudrait bien !