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— Oh ! que nenni ! La lettre que vous recevrez et que vous montrerez, aura été dictée par moi à la première femme venue, et mise à la poste à Saint-Remy par une personne de confiance. Si j’ai parlé des obligations que vous a votre cousine, c’est pour vous montrer qu’en cas d’accident son intérêt nous répond d’elle. Apercevez-vous encore quelque obstacle ?

Mme  Fauvel s’était levée transportée d’indignation.

— Il y a ma volonté, s’écria-t-elle, que vous ne comptez pas.

— Pardon, fit le marquis avec une politesse railleuse, je suis sûr que vous vous rendrez à mes raisons.

— Mais c’est un crime, monsieur, que vous me proposez, un crime abominable !

Clameran, lui aussi, s’était levé. Toutes ses passions mauvaises mises en jeu, donnaient à sa pâle figure une expression atroce.

— Je crois, reprit-il avec une violence contenue, que nous ne nous entendons pas. Avant de parler de crime, rappelez-vous le passé. Vous étiez moins timorée le jour où, jeune fille, vous avez pris un amant. Il est vrai que vous l’avez renié, cet amant, que vous avez refusé de le suivre, lorsque pour vous il venait de tuer deux hommes et de risquer l’échafaud.

Vous n’aviez pas de ces préjugés mesquins, quand après un accouchement clandestin, à Londres, vous abandonniez votre enfant. On doit vous rendre cette justice, que cet enfant vous l’avez oublié absolument, et que, riche à millions, vous ne vous êtes pas informée s’il avait du pain.

Où donc étaient vos scrupules au moment d’épouser M. Fauvel ? Avez-vous dit à cet honnête homme quel front cachait votre couronne d’oranger ? Voilà des crimes. Et quand, au nom de Gaston, je vous demande réparation, vous vous révoltez ! Il est trop tard. Vous avez perdu le père, madame, vous sauverez le fils, ou, sur mon honneur, vous ne volerez pas plus longtemps l’estime du monde.