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mait dans les plus sombres réflexions, lorsque la porte de la chambre à coucher du banquier s’ouvrit.

Une jeune fille remarquablement belle parut sur le seuil.

Elle était assez grande, svelte, et son peignoir du matin, serré au-dessus des hanches par une cordelière de soie faisait valoir toutes les richesses de sa taille. Brune, avec de grands yeux doux et profonds, son teint avait la pâleur mate et unie de la fleur du camélia blanc, et ses beaux cheveux noirs encore en désordre, échappant au léger peigne d’écaille qui les retenait, retombaient à profusion, en grappes bouclées, sur son cou du dessin le plus exquis.

C’était là cette nièce de M. André Fauvel, dont il avait parlé tout à l’heure : Madeleine.

En apercevant Prosper Bertomy dans ce cabinet où, probablement, elle croyait rencontrer son oncle seul, elle ne put retenir une exclamation de surprise :

— Ah !…

Prosper, lui, s’était levé comme s’il eut reçu un choc électrique. Ses yeux si complètement éteints brillèrent tout à coup, comme s’il eût entrevu une messagère d’espérance.

— Madeleine ! prononça-t-il, Madeleine !

La jeune fille était devenue plus rouge qu’une pivoine. Elle semblait tout d’abord disposée à se retirer, elle fit même un pas en arrière ; mais Prosper s’étant avancé vers elle, un sentiment plus fort que sa volonté l’emporta et elle lui tendit sa main qu’il prit et serra respectueusement.

Ils restèrent ainsi en présence, immobiles, oppressés ; si émus que tous deux ils baissaient la tête, redoutant la rencontre de leurs regards ; ayant tant de choses à se dire, que ne sachant comment commencer, ils se taisaient.

Enfin, Madeleine murmura d’une voix à peine intelligible :

— Vous, Prosper, vous !