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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/358

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plus beau pays du monde la plus ravissante propriété qui puisse tenter un pauvre Parisien.

— Est-ce vraiment ta pensée ?

— Sans restrictions.

Gaston eut un geste de joie et une exclamation de triomphe.

— Eh bien ! frère, s’écria-t-il, cette propriété est à nous, puisqu’elle est à moi. Elle te plaît ? ne la quitte plus. Tiens-tu vraiment à ton Paris brumeux ? Établis-toi ici, sous ce beau ciel du Béarn. Le luxe étriqué et mesquin de Paris ne vaut pas la bonne et plantureuse vie que tu trouveras ici. Tu es garçon, donc tu es libre. Reste, rien ne nous manquera. Et pour les heures d’ennui, car on ne peut pas rester sans occupation, nous aurons l’usine. À nous deux, ayant des capitaux, nous ferons merveille. Mon plan te convient-il ?

Louis se taisait. Ces propositions, il y a un an, l’auraient rempli de joie. Avec quels transports il aurait accueilli les perspectives de cette belle et large existence ! Quel repos délicieux après tant de traverses ! Il aurait pu sans crainte dépouiller le vieil homme, l’aventurier, et redevenir soi.

Mais il ne pouvait accepter maintenant, et il le reconnaissait avec rage.

Non, il n’était pas libre, non, il ne pouvait pas quitter Paris.

Il avait, là-bas, engagé une de ces affreuses parties qu’on perd quand on les abandonne, et dont la perte peut conduire au bagne.

Seul, il eût pu disparaître, mais il n’était pas seul, il avait un complice.

— Tu ne réponds rien, insistait Gaston, surpris de ce silence ; verrais-tu quelque obstacle à mes projets ?

— Aucun.

— Eh bien, alors ?

— Il y a, cher frère, que sans les émoluments d’une position que j’occupe à Paris, je n’aurais pas de quoi vivre.