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Mais dans la nuit, pendant trois heures environ que Gaston reposa assez tranquillement, le cours de la maladie changea brusquement.

Tous les symptômes du côté de la tête disparurent pour faire place à une oppression terrible, si douloureuse que le malade n’avait pas une minute de rémission, et se retournait sur son lit sans pouvoir trouver une position tolérable. Le docteur C…, venu dès le matin, parut quelque peu surpris, déconcerté même du changement.

Il demanda si, pour calmer plus rapidement les douleurs, on n’avait pas exagéré la dose de morphine. Le domestique Manuel, qui avait pansé son maître, répondit que non.

Le docteur, alors, après avoir ausculté Gaston, examina attentivement ses articulations, et s’aperçut que plusieurs se prenaient, c’est-à-dire se gonflaient et devenaient douloureuses.

Il prescrivit des sangsues, du sulfate de quinine à haute dose, et se retira en disant qu’il reviendrait le lendemain.

Gaston, grâce à un violent effort, s’était dressé sur son séant ; il ordonna à son domestique d’aller chercher un de ses amis qui était avocat.

— Et pourquoi, grand Dieu ? demanda Louis.

— Parce que, frère, j’ai besoin de ses avis. Ne nous abusons pas, je suis très-mal. Or, il n’y a que les lâches ou les imbéciles qui se laissent surprendre par la mort. Quand mes dispositions seront prises, je serai plus tranquille. Qu’on m’obéisse.

Ce n’est pas que Gaston se sentit malade, ni que son esprit fut frappé le moins du monde. S’il eut alors quelques pressentiments de sa fin prochaine, il les laissa voir sans faiblesse.

Il était de ces hommes qui ont trop souvent bravé la mort et qui l’ont vue de trop près pour la craindre, et qui sont toujours préparés à l’accueillir sans pâlir.

Mais il avait arrangé ses affaires, autrefois, lorsqu’en arrivant en France il était tombé malade à Bordeaux,