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et son affection pour le frère qu’il avait retrouvé depuis devait changer et ses intentions et ses dispositions.

S’il tenait à consulter un homme d’affaires, c’est qu’il voulait rédiger un nouveau testament et assurer toute sa fortune à Louis.

L’avocat qu’il avait envoyer chercher, — un de ses amis, — était un petit homme fort connu dans le pays, rusé et délié, rompu aux artifices de la légalité, à son aise dans les entraves du Code civil comme une anguille dans sa vase. Aimant à exercer son adresse, il était de ces dangereux finassiers qui sacrifieraient une partie de leurs honoraires au plaisir d’éluder un article bien positif.

Lorsqu’il se fut bien pénétré des intentions de son client, il n’eut plus qu’une idée, les réaliser au meilleur marché possible, en évitant habilement des droits de succession toujours considérables.

Un moyen fort simple s’offrait.

Si Gaston, par un acte, associait son frère à ses entreprises en lui reconnaissant un apport équivalent à la moitié de sa fortune, et qu’il vînt à mourir, Louis n’aurait à payer des droits que sur le reste, c’est-à-dire sur la moitié.

C’est avec le plus vif empressement que Gaston adopta cette fiction. Non qu’il songeât à l’économie qu’elle réaliserait s’il mourait, mais parce qu’il y voyait une occasion, s’il vivait, de partager avec son frère tout ce qu’il possédait, sans froisser sa délicatesse susceptible.

Un acte d’association entre les sieurs Gaston et Louis de Clameran fut donc rédigé, pour l’exploitation d’une usine de fonte de fer, acte qui reconnaissait à Louis une mise de fonds de cinq cent mille francs.

Mais Louis, qu’il fallut avertir, puisque sa signature était indispensable, sembla s’opposer de toutes ses forces aux projets de son frère.

— À quoi bon, disait-il, tous ces préparatifs ? Pourquoi cette inquiétude d’outre-tombe pour une indisposition dont tu ne te souviendras plus dans huit jours ? Penses-