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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/383

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Ce bonheur qui lui arrivait, amère ironie du sort ! était le plus cruel châtiment qu’il pût imaginer de sa vie passée.

Et loin de s’avouer justement puni, c’est à son frère qu’il s’en prenait. Oui, c’est Gaston qu’il rendait responsable de l’horreur de sa situation.

Ses lettres à Raoul, pendant deux ou trois jours, rendaient bien toutes les fluctuations de ses pensées et gardaient un reflet des détestables sentiments qui s’agitaient en lui.

« J’ai 25,000 livres de rentes, lui écrivait-il quelques heures après avoir signé l’acte de société, je possède, à moi, cinq cent mille francs. La moitié, que dis-je, le quart de cette somme aurait fait de moi, il y a un an, le plus heureux des hommes. À quoi me sert cette fortune, aujourd’hui ? À rien. Tout l’or de la terre ne supprimerait pas une des difficultés de notre situation. Oui, tu avais raison, j’ai été imprudent, mais je paye cher ma précipitation. Nous sommes maintenant lancés sur une pente si rapide, que bon gré mal gré, il faut aller jusqu’au bout. Tenter même de s’arrêter serait insensé. Riche ou pauvre, je dois trembler tant qu’une entrevue de Gaston et de Valentine sera possible. Comment les séparer à jamais ? Mon frère, renoncera-t-il à revoir cette femme tant aimée ? »

Non, Gaston ne renonçait pas à chercher, à retrouver Valentine, et la preuve, c’est que plusieurs fois, au milieu des plus vives souffrances, il avait prononcé son nom.

Car il n’allait pas mieux. En dépit du plus énergique traitement, les symptômes alternaient, mais ne se dissipaient pas. Sans cesse les douleurs se portaient du cœur à la tête, plus violentes et plus intolérables à chaque reprise.

Cependant, vers la fin de la semaine, le pauvre malade eut deux jours de rémission. Il put se lever, manger quelques bouchées, et même se promener un peu.

Mais il n’était plus que l’ombre de lui-même. En moins