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anges, trompés, eussent aimé à se mirer dans ses beaux yeux limpides. Sa voix, tour à tour mâle ou câline, avait ces inflexions molles ou ces notes vibrantes qui attendrissent et troublent les femmes.

Pendant un mois que dura l’absence de Louis, il ravit Mme Fauvel par des félicités dont elle ne pouvait avoir idée.

Jamais cette mère de famille, si véritablement innocente, malgré les aventures où la précipitaient une faute, n’avait rêvé de pareils enchantements. L’amour de ce fils la bouleversait comme une passion adultère ; il en avait les violences, le trouble, le mystère. Pour elle, il avait ce que n’ont guère les fils, les coquetteries, les prévenances, les idolâtries d’un jeune amoureux.

Comme elle habitait la campagne et que M. Fauvel, partant dès le matin, lui laissait la disposition de ses journées, elle les passait près de Raoul à sa maison du Vésinet. Souvent, le soir, ne pouvant se rassasier de le voir, de l’entendre, elle exigeait qu’il vînt dîner avec elle et qu’il restât à passer la soirée.

Toutes ses fautes passées, elle les lui pardonnait, ou plutôt elle les rejetait sur Clameran, qu’elle savait absent.

— Maintenant que Raoul n’a plus les détestables conseils de son oncle, se disait-elle, il redevient ce qu’il est véritablement, noble, généreux, aimant, comme était son père.

Cette vie de mensonge n’ennuyait pas Raoul. Il prenait à son rôle l’intérêt qu’y prend un bon acteur. Il possédait cette faculté qui fait les fourbes illustres : il se prenait à ses propres impostures. À certains moments, il ne savait plus trop s’il disait vrai ou s’il jouait une comédie infâme.

Mais aussi, quel succès ! Madeleine, la prudente et défiante Madeleine, sans revenir absolument sur le compte du jeune aventurier, avouait que peut-être, se fiant trop aux apparences, elle avait été injuste.

D’argent, il n’en avait plus été question. Cet excellent fils vivait de rien.