Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/391

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cela fait ? Ne sommes-nous pas brouillés, n’as-tu pas dit assez de mal de moi pour avoir le droit de refuser mes secours ? Va ! j’avais bien tout prévu, et quand je vais t’avoir expliqué mon plan, tu diras comme moi : « Nous réussirons !… »

Le plan de Louis de Clameran était des plus simples, et par cela même, malheureusement, présentait de grandes chances de succès.

— Voyons, commença-t-il, résumons-nous et établissons notre bilan. Si, jusqu’à ce jour, tu n’as rien compris à nos manœuvres, monsieur mon neveu, je vais te les expliquer.

— J’écoute.

— C’est moi qui, le premier, me suis présenté à madame Fauvel pour lui dire, non pas : « La bourse ou la vie, » ce qui n’est rien, mais : « La bourse ou l’honneur. » C’était dur. Je l’ai épouvantée, je m’y attendais, et je lui ai inspiré la plus profonde répulsion.

— Répulsion est faible, cher oncle.

— Je le sais. C’est alors que t’ayant cherché et trouvé, je t’ai poussé sur la scène. Ah ! je ne veux pas te flatter, tu as obtenu du premier coup un fier succès. J’assistais, caché derrière une portière, à votre première entrevue ; tu as tout bonnement été sublime. Elle t’a vu et elle t’a aimé ; tu as parlé et tu as été le maître de son cœur.

— Et sans toi…

— Laisse-moi donc dire. C’était là le premier acte de notre comédie. Passons au second. Tes folies, tes dépenses, — un aïeul dirait tes débordements, — n’ont pas tardé à changer nos situations respectives. Mme Fauvel, sans cesser de t’adorer — tu ressembles tant à Gaston ! — a eu peur de toi. Peur à ce point, qu’elle s’est jetée entre mes bras, qu’elle s’est résignée à avoir recours à moi, qu’elle m’a demandé aide et assistance.

— Pauvre femme !…

— J’ai été fort bien, avoue-le, en cette circonstance. J’ai été grave, froid, paternel, avunculaire, indigné, mais attendri. L’antique probité des Clameran a noblement