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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/397

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Louis eut un mauvais sourire, qu’un geste de colère et de dédain rendit plus significatif et plus effrayant encore.

— Prosper, prononça-t-il en jetant son cigare qui venait de s’éteindre, je me soucie de lui comme de cela…

— Elle l’aime.

— Tant pis pour lui. Dans six mois, elle ne l’aimera plus ; il est déjà perdu moralement. À l’heure où cela me conviendra, je l’achèverai. Sais-tu où mènent les mauvais chemins, mon neveu ? Prosper a une maîtresse coûteuse, il roule voiture, il a des amis riches, il joue. Es-tu joueur, toi ?… Il lui faudra de l’argent après quelque nuit de déveine ; les pertes du baccarat se payent dans les vingt-quatre heures, il voudra payer et… il a une caisse.

Pour le coup, Raoul ne put s’empêcher de protester.

— Oh !…

— Il est honnête ! vas-tu me dire. Parbleu ! je l’espère bien. Moi aussi, la veille du jour où j’ai fait sauter la coupe, j’étais honnête. Il y a longtemps qu’un coquin aurait confessé Madeleine et nous aurait forcé à plier bagages. Il est aimé, me dis-tu ? Alors, quel orgeat coule donc dans ses veines qu’il se laisse ainsi ravir la femme aimée ? Ah ! si j’avais senti la main de Madeleine frémir dans la mienne, si son souffle, dans un baiser, avait effleuré mon front, le monde entier ne me l’enlèverait pas. Malheur à qui barre ma route. Prosper me gêne, je le supprime. Je me charge, avec ton aide, de le pousser dans un tel bourbier que la pensée de Madeleine n’ira pas l’y chercher.

L’accent de Louis exprimait une telle rage, un si immense désir de vengeance, que Raoul, vraiment ému, réfléchissait.

— Tu me réserves, dit-il après un bon moment, un rôle abominable.

— Mon neveu aurait-il des scrupules ? demanda Clameran du ton le plus goguenard.

— Des scrupules… pas précisément ; cependant, j’avoue…