Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/400

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défendre contre des exigences si exorbitantes et si répétées.

Du reste, il ne se gênait plus pour rançonner odieusement la pauvre femme ; il avait mis de côté toute pudeur.

Il demandait, autrefois, avec mille circonlocutions câlines, sauvant autant que possible les apparences, priant, le plus souvent. Il parlait en maître, maintenant, comme s’il eût réclamé chose due, il exigeait, et à la moindre observation menaçait, avec les façons brutales d’un don Juan de barrières violentant sa victime.

À ce train, les ressources avouables de Mme  Fauvel et de sa nièce furent promptement à bout. En un mois, le misérable dissipa leurs économies. Alors, elles eurent recours à tous les expédients honteux des femmes dont les dépenses secrètes sont la ruine d’une maison. Elles réalisèrent sur toutes choses de flétrissantes économies. On fit attendre les fournisseurs, on prit à crédit. Puis elles gonflèrent les factures ou même en inventèrent. Elles se supposaient, l’une et l’autre, des fantaisies si coûteuses, que M. Fauvel leur dit une fois en souriant :

— Vous devenez bien coquettes, mesdames !…

Pauvres femmes ! Il y avait des mois qu’elles ne s’achetaient rien, elles vivaient sur leur splendeur passée, faisant refaire leurs vieilles robes, gémissant sur leur condition qui les obligeait à une certaine représentation.

Plus clairvoyante que sa tante, Madeleine voyait, non sans effroi, approcher le moment où il faudrait répondre : non, et où tout se découvrirait.

Mais elle avait beau juger inutiles et perdus absolument tous les sacrifices actuels, elle se taisait. Une délicatesse que comprendront toutes les belles âmes, lui faisait cacher, sous une apparente sécurité, toutes ses appréhensions. Précisément parce qu’elle se dévouait, elle se défendait une observation qui eût pu ressembler à un blême.

— Raoul sera bien persuadé que nous ne pou-