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XXI


Pendant plus d’une heure après le départ de Raoul, Mme Fauvel était restée plongée dans cet état d’engourdissement voisin de l’insensibilité absolue qui suit également les grandes crises morales et les violentes douleurs physiques.

Peu à peu cependant elle revint au sentiment de la situation présente, et avec la faculté de penser la faculté de souffrir lui revenait.

Les affreuses violences qu’elle venait de subir se représentaient à son esprit avec une intensité extraordinaire, et les moindres circonstances, celles même qui sur le moment avaient passé inaperçues, la frappaient vivement.

Elle comprenait maintenant qu’elle avait été dupe d’une odieuse comédie, Raoul l’avait torturée de sang-froid, avec préméditation, se faisant un jeu de ses souffrances, spéculant sur sa tendresse.

Mais Prosper avait-il, oui ou non, secondé le vol dont Raoul venait de la rendre complice.

Pour Mme Fauvel, tout était là.

Ah ! Raoul, le misérable, avait frappé juste. Après avoir repoussé l’idée de la complicité du caissier, elle la reprenait et s’y arrêtait. Qui donc, sinon lui, pouvait avoir livré le mot et placé une somme considérable dans nne caisse qui, d’après les ordres formels du patron, devait être vide.

Ce qu’elle avait su de la conduite de Prosper rendait vraisemblable l’assertion de Raoul, et, toujours aveuglée, elle aimait à attribuer à un autre qu’à son fils la première idée du crime.