Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/436

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Cette sanglante injure d’une jeune fille qu’il aimait à ce point que lui, le bandit si prudent, il risquait pour elle les produits de ses crimes, atteignit si bien Clameran, qu’il devint livide. Mais son thème était trop nettement arrêté pour qu’il pût être déconcerté.

— Un jour viendra, mademoiselle, reprit-il, ou vous regretterez de m’avoir traité si cruellement. La signification exacte de votre question, je l’ai comprise, oh ! ne prenez pas la peine de nier…

— Mais je ne nie rien, monsieur.

— Madeleine ! murmura Mme  Fauvel, qui tremblait, en voyant attiser ainsi les passions mauvaises de l’homme qui tenait sa destinée entre ses mains ; Madeleine, pitié !…

— Oui, fit tristement Clameran, mademoiselle est impitoyable ; elle punit cruellement un homme d’honneur, dont le seul tort est d’avoir obéi aux dernières volontés d’un frère mourant. Et si je suis ici, cependant, c’est que je suis de ceux qui croient à la solidarité de tous les membres d’une famille.

Il sortit lentement des poches de côté de son paletot plusieurs liasses de billets de banque et les déposa sur la cheminée.

— Raoul, prononca-t-il, a volé 350,000 francs, voici cette somme. C’est plus de la moitié de ma fortune. De grand cœur je donnerais ce qu’il me reste pour être sûr que ce crime sera le dernier.

Trop inexpérimentée pour pénétrer le plan si audacieux et si simple de Clameran, Madeleine restait interdite ; toutes ses prévisions étaient déroutées.

Mme  Fauvel, au contraire, accepta cette restitution comme le salut.

— Merci, monsieur, dit-elle en prenant les mains de Clameran ; merci, vous êtes bon.

Un rayon de la joie qu’il ressentit éclaira les yeux de Louis. Mais il triomphait trop tôt. Une minute de réflexion, avait rendu à Madeleine toute sa défiance. Elle trouvait ce désintéressement trop beau pour un homme