Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/437

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qu’elle estimait incapable d’un sentiment généreux et l’idée lui vint qu’il devait cacher un piége.

— Que ferons-nous de cet argent ? demanda-t-elle.

— Vous le rendrez à M. Fauvel, mademoiselle.

— Nous, monsieur, et comment ? Restituer, c’est dénoncer Raoul, c’est-à-dire perdre ma tante. Reprenez votre argent, monsieur.

Clameran était bien trop fin pour insister, il obéit et sembla disposé à se retirer.

— Je comprends votre refus, dit-il ; à moi de trouver un moyen. Mais je ne me retirerai pas, mademoiselle, sans vous dire combien votre injustice m’a pénétré de douleur. Peut-être, après la promesse que vous m’avez daigné faire, pouvais-je espérer un autre accueil.

— Je tiendrai ma promesse, monsieur, mais quand vous m’aurez donné des garanties, pas avant.

— Des garanties !… Et lesquelles ? De grâce, parlez.

— Qui me dit qu’après mon… mariage, Raoul ne viendra pas de nouveau menacer sa mère ? Que sera ma dot pour un homme qui, en quatre mois, a dissipé plus de cent mille francs ? Nous faisons un marché, je vous donne ma main en échange de l’honneur et de la vie de ma tante, avant de rien conclure, je dis donc : Où sont vos garanties ?

— Oh ! je vous en donnerai de telles, s’écria Clameran, qu’il vous faudra bien reconnaître ma bonne foi. Hélas ! vous doutez de mon dévoûment ; que faire pour vous le prouver ? Faut-il essayer de sauver M. Bertomy.

— Merci de votre offre, monsieur, répondit dédaigneusement Madeleine. Si Prosper est coupable, qu’il périsse ; s’il est innocent, Dieu le protégera.

Mme Fauvel et sa nièce se levèrent, c’était un congé. Clameran se retira.

— Quel caractère ! disait-il, quelle fierté !… Me demander des garanties !… Ah ! si je ne l’aimais pas tant ! Mais je l’aime, et je veux voir cette orgueilleuse à mes pieds… Elle est si belle !… Ma foi ! tant pis pour Raoul !

Clameran n’avait jamais été plus irrité.