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les insolences du bonheur, elle était humble comme la misère.

Prosper s’imaginait que, folle de la joie de le revoir, toute fière de s’être si noblement dévouée pour lui, Nina allait se jeter à son cou et l’étreindre entre ses bras. Il se trompait ; et, bien que tout entier à Madeleine depuis qu’il connaissait les raisons de sa dureté, cette déception l’affecta.

C’est à peine si Mme Gypsy eut l’air de le reconnaître. Elle le salua timidement, presque comme un étranger.

Toute son attention se concentrait sur M. Verduret. Les regards qu’elle attachait sur lui avaient cette timidité craintive et aimante du pauvre animal souvent rudoyé par son maître.

Lui, cependant, se montrait excellent pour elle, paternel, affectueux.

— Eh bien, chère enfant, lui demanda-t-il de sa bonne voix, quels renseignements m’apportez-vous ?

— Il doit y avoir du nouveau à la maison, monsieur, et j’avais hâte de vous prévenir, mais j’étais retenue par mon service, et il a fallu que Mlle Madeleine prît la peine de me trouver un prétexte de sortir.

— Vous remercierez Mlle Madeleine de sa confiance, reprit le gros homme, en attendant que je lui exprime moi-même toute ma reconnaissance. J’imagine que, pour le reste, elle est fidèle à nos conventions ?

— Oui, monsieur.

— On reçoit le marquis de Clameran ?

— Depuis que le mariage est arrêté, il vient tous les soirs, et mademoiselle le reçoit bien. Il a l’air ravi.

Ces assurances, qui renversaient toutes les idées de Prosper, le transportèrent de colère. Le pauvre garçon qui ne comprenait rien aux manœuvres savantes de M. Verduret, qui se sentait ballotté au gré de volontés inexplicables, se vit tout à coup trahi, bafoué, joué.

— Quoi, s’écria-t-il, ce misérable marquis de Clameran, cet infâme voleur, cet assassin est admis familièrement chez M. Fauvel, il fait sa cour à Madeleine !… Que