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Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/466

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me disiez-vous donc, monsieur, de quelles espérances me berciez-vous pour m’endormir ?…

D’un geste impérieux M. Verduret coupa court à ses récriminations.

— Assez, dit-il durement, en voilà assez. Vous êtes par trop… honnête homme, à la fin, mon camarade. Si vous êtes incapable de rien tenter de sérieux pour votre salut, au moins laissez agir, sans les importuner sans cesse de vos puérils soupçons, ceux qui travaillent pour vous. Ne trouvez-vous pas en avoir fait assez pour me gêner ?

Cette leçon donnée, il se retourna vers Gypsy, et d’un ton plus doux :

— À nous deux, chère enfant, dit-il ; qu’avez-vous appris ?

— Eh ! monsieur, rien de positif, malheureusement, rien qui puisse vous fixer, et j’en suis bien désolée, croyez-le !

— Cependant, mon enfant, vous m’annonciez un événement grave.

Mme Gypsy eut un geste découragé :

— C’est-à-dire, monsieur, reprit-elle, que je soupçonne, que je devine quelque chose. Quoi ? Je ne saurais le dire ni l’exprimer clairement. Peut-être n’est-ce qu’un ridicule pressentiment qui me montre tout sous un aspect extraordinaire. Il me semble que le malheur est sur la maison, que nous touchons à la catastrophe. Impossible de rien tirer de Mme Fauvel, désormais, elle est comme un corps sans âme ; je jurerais d’ailleurs qu’elle se défie de sa nièce, qu’elle se cache d’elle.

— Et M. Fauvel.

— J’allais vous en parler, monsieur. Il lui est arrivé un malheur, j’en mettrais ma main au feu. Depuis hier, il n’est plus le même homme. Il va, il vient, il ne tient pas en place, on dirait un fou. Sa voix est tout altérée, si changée que mademoiselle s’en est aperçue et me l’a dit, et que M. Lucien, lui aussi, l’a remarqué. Monsieur, que j’ai vu si bon, si indulgent, est devenu brusque, ir-