Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/468

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

égoïsme fort compréhensible, — si c’est ainsi, tout va être découvert, et il vaudrait mieux avouer…

Une fois encore, un regard foudroyant de M. Verduret l’arrêta net.

— À quel moment, demandait-il, le jeune Cavaillon a-t-il entendu donner cet ordre ?

— Hier, dans l’après-midi.

— Voilà ce que je redoutais, s’écria M. Verduret, il est clair qu’à cette heure son parti est pris, et que s’il dissimule, c’est qu’il veut se venger sûrement. Arriverons-nous à temps pour contrecarrer ses projets ? Est-il encore possible de nouer sur ses yeux un bandeau assez épais pour qu’il puisse croire à la fausseté de la lettre anonyme ?

Il se tut. La folie — excusable, d’ailleurs — de Prosper renversait le plan si simple que tout d’abord il avait conçu, et maintenant il demandait à son esprit alerte un suprême expédient.

— Merci de vos renseignements, ma chère enfant, prononça-t-il enfin, je vais aviser, car l’inaction serait horriblement dangereuse en ce moment. Vous, rentrez bien vite. Ne vous abusez pas, M. Fauvel suppose que vous êtes dans le secret. Ainsi, de la prudence, au moindre fait, si insignifiant qu’il soit, un mot.

Mais Nina, ainsi congédiée, ne se retirait pas.

— Et Caldas, monsieur ? demanda-t-elle bien timidement.

C’était la troisième fois, depuis quinze jours, que Prosper entendait prononcer ce nom.

La première fois, c’était dans les couloirs de la Préfecture de police : un homme d’un certain âge, à figure respectable, l’avait murmuré à son oreille, en lui promettant aide et protection.

Une autre fois, le juge d’instruction le lui avait jeté à la face à propos de Gypsy.

Ce nom, il l’avait cherché parmi les noms de tous les individus qu’il avait connus et oubliés, et il lui semblait