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pier, le doute reste, qui, pareil à un poison subtil, se volatilise et pénètre aux plus profonds replis de l’âme, souillant et désorganisant les plus saintes et les plus fermes croyances.

Et toujours il en reste quelque chose.

La femme soupçonnée, même injustement, ne fût-ce qu’une heure, n’est plus la femme en qui on avait foi comme en soi-même. Le doute, quoi qu’il advienne, laisse sa trace comme la sueur des doigts, à la dorure des idoles.

À mesure que M. Fauvel réfléchissait, il sentait s’altérer sa confiance, si absolue quelques minutes avant.

— Non ! s’écria-t-il, je ne saurais plus longtemps endurer ce supplice. Je vais aller montrer cette lettre à ma femme.

Il se levait, une pensée affreuse, plus aiguë qu’une pointe de fer rouge dans les chairs, le cloua sur son fauteuil.

— Si l’on disait vrai, pourtant ! murmurait-il, si j’étais misérablement dupé ! En me confiant à ma femme, je la mets sur ses gardes, je m’enlève tout moyen d’investigation, je renonce à savoir jamais la vérité.

Ainsi se réalisaient toutes les présomptions de M. Verduret, ce grand analyste de la passion.

« Si M. Fauvel, avait-il dit, ne cède pas à l’inspiration du premier moment ; s’il réfléchit, nous avons du temps devant nous. »

En effet, après de longues et douloureuses méditations, le banquier venait de décider qu’il surveillerait sa femme.

Oui, lui, l’homme loyal et franc par excellence, il se résignait à ce rôle ignominieux du jaloux, de l’espion domestique, dont les tristes investigations l’avilissent autant et plus que celle qui en est l’objet.

Lui, l’homme des violences spontanées, des colères soudaines aussitôt apaisées, il venait de prendre la résolution de se composer un visage impassible, de recueillir une à une des preuves d’innocence ou de culpabilité,