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sonniers. Parfois, dominant le sourd murmure, on entendait un sanglot, et une femme, la mère ou la sœur de quelque prévenu, passait un mouchoir sur les yeux. À de courts intervalles, une porte s’ouvrait et se refermait, et la voix d’un huissier criait un nom ou un numéro.

À ce spectacle, à ces contacts flétrissants, au milieu de cette atmosphère chaude et chargée d’émanations étranges, le caissier se sentait défaillir, quand un petit vieux, vêtu de noir avec les insignes de sa dignité, la chaîne d’acier en sautoir, cria :

— Prosper Bertomy !

Le malheureux se dressa tout d’une pièce, et, sans savoir comment, se trouva poussé dans le cabinet du juge d’instruction.

Tout d’abord, il fut aveuglé. Il quittait un endroit fort obscur, et la fenêtre de la pièce où il entrait, placée en face de la porte, versait à flots un jour éclatant et criard.

Ce cabinet, comme tous ceux de la galerie, est sans physionomie particulière. On s’y croirait chez n’importe quel homme d’affaires.

Il est tendu d’un papier économique vert foncé, et à terre est un méchant tapis à vulgaires dessins noirs.

Vis-à-vis la porte est un grand bureau, encombré de dossiers, derrière lequel est placé le juge, faisant face à ceux qui entrent, de telle sorte que son visage reste dans l’ombre, pendant que celui des prévenus ou des témoins qu’il interroge est en pleine lumière. À droite, est une petite table où écrit le greffier, cet indispensable auxiliaire du juge.

Mais Prosper ne remarquait pas ces détails. Toute son attention se concentrait sur le magistrat, et, à mesure qu’il l’examinait mieux, il se disait que son gardien ne l’avait pas trompé.

Il est vrai que la figure de M. Patrigent, figure irrégulière, encadrée de courts favoris roux, animée par des yeux vifs et spirituels, respirant la bonté, est de celles qui, au premier abord, rassurent et attirent.