Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/73

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et console, il est de ces moments affreux où on voudrait être seul au monde et sortir des Enfants trouvés.

M. Patrigent remarqua fort bien et nota cette émotion de son prévenu lorsqu’il lui avait parlé de ses parents.

— Et, quelle est, continua-t-il, la profession de votre père ?

— Il a été, monsieur, conducteur des ponts et chaussées, puis employé au canal du Midi, comme mon beau-frère ; maintenant il a pris sa retraite.

Il y eut un moment de silence. Le juge d’instruction avait placé son fauteuil de telle sorte que tout en paraissant avoir la tête tournée, il ne perdait rien absolument du jeu de la physionomie de Prosper.

— Eh bien ! fit-il tout à coup, vous êtes accusé d’avoir volé à votre patron 350,000 francs.

Depuis vingt-quatre heures, le malheureux jeune homme avait eu le temps de se familiariser avec la terrible idée de cette accusation, et cependant, ainsi formulée et précisée, elle l’atterra, et il lui fut impossible d’articuler une syllabe.

— Qu’avez-vous à répondre ? insista le juge d’instruction.

— Je suis innocent, monsieur, je vous le jure, je suis innocent !

— Je le souhaite pour vous, fit M. Patrigent, et vous pouvez compter sur moi pour vous aider de toutes mes forces à faire éclater votre innocence. Avez-vous, du moins, quelques faits à alléguer pour votre défense, quelques preuves à donner ?

— Eh ! monsieur, que puis-je dire, lorsque moi-même je ne comprends pas ce qui a pu se passer ! Je ne puis qu’invoquer ma vie entière…

Le magistrat interrompit Prosper d’un geste.

— Précisons, dit-il ; le vol a été commis dans des circonstances telles que les soupçons ne peuvent, ce semble, atteindre que M. Fauvel ou vous. Peut-on soupçonner quelque autre personne ?