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Mont-de-Piété de Paris lui donnait en rechignant deux bons louis d’or.

Il n’y a que le premier pas qui coûte. Ravi d’avoir découvert ce moyen de battre monnaie, Chabannette eut très-souvent envie de faire des parties fines.

Il acheta, acheta, acheta : aujourd’hui du vin, demain des instruments d’optique, et des livres, et des pendules, et des dentelles, et tout ce qu’on lui proposa.

Chaque nouvel achat ne grevait ses appointements mensuels que de dix francs, l’un dans l’autre.

À la dixième partie fine, Chabannette s’aperçut que son revenu était diminué des deux tiers. Il lui restait juste cinquante francs pour la pâtée et la niche. Il est vrai que ses appointements n’étaient hypothéqués que pour trois ans.

Vivre trois ans avec six cents livres par an, était-ce possible ? À partir de ce moment, Chabannette renonça aux parties fines, mais il fut réduit à continuer d’acheter pour vivre.

Aujourd’hui, sa dette flottante absorbe la totalité de ses revenus et au delà. Il achète avec désespoir, il ne peut plus s’arrêter sur cette pente fatale ; comme au juif errant, une voix impitoyable, la voix de la néces-